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Le village d’enfance d’Orbán, entre luxe et pauvreté

À 45 kilomètres à l’ouest de Budapest se trouve Felcsút, le lieu où a grandi le dirigeant hongrois Viktor Orbán. Un lieu qui mêle constructions exubérantes et habitations décaties.


A Felcsút, les investissements se multiplient mais la majorité des logements restent très modestes. © Germain Baslé

Sensation étrange que de se balader dans Felcsút. À l’entrée du village d’enfance du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, difficile de ne pas remarquer l’exubérance de la Pancho Arena. Cet immense stade de foot à l’architecture moyenâgeuse inauguré en 2014 peut accueillir 4 500 personnes. Bien plus que les 1 688 âmes qu’abrite la cité. À quelques pas se trouve sa maison d’enfance, une petite bâtisse blanche sans prétention qui tranche totalement avec l’immense infrastructure sportive en arrière-plan. À l’angle de la rue se trouve une crèche. Devant l’établissement, les jeux colorés semblent neufs, mais on n’entend pas un bruit : aucun enfant ne semble fréquenter le lieu.


Attractions désertes


Felcsút est l’objet de toutes les attentions du candidat réélu : au fil des ans, des projets plus ambitieux les uns que les autres s’y sont succédé. Comme la construction d’un « petit train touristique », un projet chiffré à deux millions d’euros, avec l’objectif affiché de 2 000 passagers par jour. Dans les faits, ils ne se bousculent pas et sont rarement plus de 100. Aux abords de la gare, déserte, les engins de construction brisent le silence ambiant. Les tractopelles creusent un énorme lac artificiel à côté duquel se dressera un restaurant chic.



Un projet étonnant, au vu de la pauvreté du quartier. Sous un ciel nuageux , les habitations à demi finies se succèdent… mais un panorama bien différent les succède. Comme sortie de nulle part, la maison somptueuse d’un proche du richissime Lőrinc Mészáros, ancien maire de Felcsút et ami de Viktor Orbán, semble venir tout droit des collines de Beverly Hills. Devant l’immense propriété, trois voitures de luxe donnent le ton. Quelques mètres plus loin, une autre demeure appartenant à la famille de la première fortune du pays est, elle, quasi-invisible, préservée des regards par un haut brise-vue en pierre construit le long du terrain. Ici encore, le silence frappe : seul un chien nous toise, confortablement installé derrière un portail.


Restaurant désert


Pour discuter avec des habitants, direction Alcsútdoboz, le village voisin, qui abrite l’unique restaurant des alentours. Sobrement appelé « Mészáros Pub », du nom de l’ami du Premier ministre, l’établissement dispose d’une centaine de couverts, et propose même un espace bowling avec plusieurs pistes. Pourtant, à l’heure du déjeuner, aucun·e client·e ne passe la porte de la pizzeria. Interrogé sur la fréquentation du lieu, le gérant explique d’un air désolé qu’il lui est « interdit de parler pendant les heures de travail ».


Nouvelle tentative à quelques minutes à pied, dans le seul bar local. La patronne frotte méticuleusement son comptoir, où de rares personnes passent en coup de vent. En cette fin de journée, deux amis s’installent et commandent à boire. Habitants d’Alcsútdoboz depuis près de 60 ans, ils racontent leur attachement à leur ville et pour Felcsút, où ils se rendent tous les dimanches pour voir des matchs. Tout en sirotant leur Borsodi, une bière hongroise, les deux retraités échangent sur le coût de la vie depuis l’arrivée de Viktor Orbán. Alors que l’un estime que sa qualité de vie s’est améliorée, l’autre le contredit immédiatement. « Il y a vingt ans, c’était pareil. D’ailleurs ta bière est trop chère », lance-t-il à la serveuse avec un sourire goguenard. « Et encore, heureusement que tu ne bois pas de l’essence », rétorque-t-elle, faisant allusion à l’inflation galopante qui touche tous les secteurs et particulièrement celui de l’énergie depuis plusieurs mois. Dimanche, les deux amis ont voté Fidesz : pour que, surtout, « rien ne change ».


Noah Moulinet


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