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  • Photo du rédacteurSophie Eyegue

Immigrée à Buda : « Ici, je me sens chez moi, mais je vais partir » 1/5

Dernière mise à jour : 6 avr. 2022

Depuis l'arrivée de Viktor Orbán au pouvoir, en 2010, la Hongrie a pris un tournant nationaliste. Le gouvernement du Fidesz s'oppose régulièrement aux politiques libérales de l'Union européenne. Lors de la crise migratoire syrienne, en 2015, le monde a pris conscience des actions xénophobes du gouvernement. La Hongrie accueillait 2 % d'immigré·e·s au 1er janvier 2020. Quatre fois moins que la moyenne des pays de l'Union européenne. Pourtant, le pays, et notamment sa capitale Budapest, attire encore les candidats à l'immigration. Populest est alors allé à la rencontre de cinq immigré·e·s aux histoires singulières pour savoir comment ils et elles vivent leur intégration. Premier témoignage de la série.


Ilana Zholobovsky est arrivée de Yelaterinburg, une ville au sud de la Russie pour s'installer à Budapest, en 2009. Un an avant avant la première victoire de Viktor Orbán. Totalement intégrée au mode de vie hongrois, mais en désaccord avec l'idéologie du gouvernement, elle n'envisage plus son futur dans le pays.

Ilana Zholobovsky habite à Budapest depuis treize ans. © Photo : Chloé Cenard

Attablée dans la cour d'un café « très hipster, dont les Budapestois raffolent », Ilana Zholobvsky, 30 ans, s'empresse de rouler une cigarette. Elle commande un Expresso et un verre de limonade dans un hongrois parfait. « Je ne le parle pas très bien. » Difficile à croire. Cette jeune Russe, arrivée à Budapest il y a treize ans, a adopté chacune des coutumes des jeunes Hongrois et Hongroises de son âge, jusqu'au dix minutes de retard « habituelles ».


Toujours bien accueillie


En semaine, Ilana travaille dans l'industrie de la tech. Souvent en télétravail depuis la pandémie, elle balade son ordinateur entre les espaces de coworking des cafés bobos et son appartement situé dans le VIIIe arrondissement. « Mes parents l'ont acheté en 2009, quand je suis arrivée pour mes études. Ils savaient que j'y resterai au moins pour six ans et les prix étaient bas. » À cet époque, le quartier, à l'extrémité est du centre-ville, juste de l'autre côté des lignes de tramways, n'a pas bonne réputation. Dans son immeuble, il n'y a que des immigré·e·s. « On me disait de ne pas rentrer seule. » Aujourd'hui, la mère d'Ilana, immigrée en Serbie, et son père, resté en Russie, sont les uniques propriétaires étrangers de l'immeuble. « Le quartier s'est beaucoup gentrifié », sourit Ilana, pas peu fière d'avoir eu du flair.


La vie rêvée inaccessible


La trentenaire évolue dans les rues budapestoises comme une vraie locale. Ilana dit s'être intégrée petit à petit sur les bancs de la fac, où elle étudiait la littérature anglaise. « Rapidement, mes camarades ont eu envie de tout savoir de moi. Et aujourd'hui, je me sens chez moi. » À vrai dire, elle partageait déjà beaucoup de points communs avec elles et eux. « Nous mangeons les mêmes plats de viande bourratifs, nous avons l'histoire post-communiste en commun... » Pourtant, Ilana pointe du doigt le contrôle du gouvernement sur l'art, l'éducation, les opportunités de travail... « À cause des coupes budgétaires au sein des universités, je n'ai pas pu faire de doctorat. »


Au fil des années, la jeune femme a vu ses proches partir. « Je suis touchée de les voir déménager car être homosexuel est devenu inconfortable ou à cause de racisme ordinaire, raconte Ilana. Les lois votées ont mis un frein à la vie que je m'étais imaginée. » Malgré l'amour qu'elle porte à Budapest, son architecture, les auteur·e·s hongrois.es et le Danube, elle envisage désormais de s'installer à Londres, Paris ou Berlin. Bien décidée à suivre son motto tatoué sur le bras : «Viva la vida. »


*source : Chiffres clés sur l'Europe, édition 2021, Eurostat.


Sophie Eyegue

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