Avenue du Dalaï-Lama, avenue des martyrs ouïghours ou encore avenue de Hong Kong libre. Dans le IXe arrondissement de Budapest, la municipalité a renommé certaines rues pendant l’été 2021. Un moyen de protester contre l’installation d’une université chinoise.
Dans ce quartier du IXe arrondissement de Budapest, pas de commerces ni d’habitations. Mais un ballet incessant de camions et d’ouvriers travaillant à la construction d’un nouveau stade d’athlétisme. Cette ancienne zone industrielle s’étale sur plusieurs centaines d’hectares. Au loin, un bâtiment qui tombe en ruine et des mauvaises herbes.
Rien à voir avec le centre-ville désormais gentrifié et plutôt cossu de cet arrondissement de la capitale. Un chat noir se balade, évite les flaques de boue et frôle un poteau. Sur celui-ci, on peut lire « Avenue des martyrs ouïghours ». Un peu plus loin, « Avenue de Hong-Kong libre », « Avenue du Dalaï-Lama » et « Avenue de Xie Shiguang » [un évêque chinois clandestin, NDLR]. Ces rues entourent un projet immobilier à 1,5 milliard d’euros porté par le gouvernement de Viktor Orbán : « Fudan Hungary University ». Un campus rattaché à une université chinoise basée à Shanghaï.
Protestation
Le projet est contesté par le maire de Budapest, Gergely Karacsony, et par celle du IXe arrondissement, Krisztina Baranyi. Faute de pouvoir mettre fin au projet, les édiles ont décidé de modifier les noms des rues. « Cette idée a été suggérée dans un commentaire Facebook », s’amuse János Somlai, un proche collaborateur de la maire du IXe. Toute l’équipe municipale s’est alors dit « pourquoi pas ? ».
En juin 2021, les quatre panneaux sont inaugurés en présence de la presse, nationale et internationale. « Vous imaginez construire une université chinoise à cet endroit avec de tels noms de rue ? » interroge János Somlai. En déambulant dans les avenues vides, il revient sur la genèse du projet. « Ici, nous voulions installer des logements étudiants, pas une université. Le but était de réhabiliter les bâtiments existants et d’en construire de nouveaux ». Très élevé, le coût des logements complique en effet la vie des étudiants qui débarquent dans la capitale. « Le projet devait s’appeler "the student city", nous avions un accord avec le gouvernement, les plans étaient prêts », peste János Somlai.
La municipalité du IXe arrondissement ne veut accueillir une telle université sur son territoire : « Le projet doit être financé par l’argent des contribuables hongrois alors qu’il ne va rien apporter au pays ». Comme le révèle le site d'investigation Direkt46 en avril 2021, le campus doit être majoritairement financé par un prêt chinois qu’il faudra bien rembourser. « En plus, le gouvernement veut faire venir des entreprises et des ouvriers chinois pour le chantier », dénonce János Somlai.
Soutien des habitant
La visite du lieu touche à sa fin. Dans le taxi du retour, le chauffeur commente cette décision de rebaptiser le nom des rues. « Je n’étais jamais venu ici, j’ai juste vu ça dans les médias mais c’est vraiment une bonne initiative de les avoir changés », détaille-t-il. L’homme se remémore une course avec un client chinois : « Quand je lui ai raconté l’affaire, il était très fier que les Hongrois s’opposent à un tel projet en mettant à l’honneur des figures opprimés par le régime chinois ».
Actuellement, le projet est au point mort. Rien ne filtre du côté du gouvernement sur l’avenir de cette université chinoise. La municipalité souhaiterait lancer un référendum local sur le sujet.
Chloé Cenard
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